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Christophe Wlaeminck, "Figur'Action", 2020

C'est en honorant les maîtres du passé qu'on ajoute notre pierre à l'édifice, LiFang l'a toujours su. L'artiste est pétrie de culture occidentale et c'est la particularité de l’époque moderne française qui l'a poussée à devenir peintre. Elle cite volontiers Vincent Van Gogh mais se rattache à la branche mère, celle de la tradition cézannienne, tant par certains de ses sujets que techniquement.

Associée parfois à la résurgence d’une figuration narrative, la démarche de LiFang ne s’y réduit toutefois pas. Ses préoccupations artistiques ne s’inscrivent pas en un tout critique d'une société de consommation, de points de vue politiques post-révolution à la manière des Malassis... Elle s’en écarte pour nous livrer un idéal de liberté éclatant, tout en opérant subtilement le constat des changements sociétaux où que ce soit dans le monde. LiFang sait conjuguer l’air du temps, fugace et dynamique, avec les sensations intemporelles de calme, de luxe et de volupté chères à Henri Matisse.

Issue de la tradition moderniste en peinture, la pratique artistique de LiFang ne cesse d’établir des liens entre passé et présent, louvoyant entre les références et la nécessité de se singulariser. Se nourrir du passé ne signifie aucunement se représenter un monde figé et obtus. Il faut y voir un rapport de causalité constamment renouvelé, en dialogue permanent  avec une culture mondialisée, plurielle et kaléidoscopique. Dans la série Les Passants, série-clé s'il en est, LiFang indexe des inconnus qui ne posent pas. Ces inconnus traversent une rue comme ils traversent la vie, anonymement. Ils sont flashés à Paris, New York ou Shanghaï et deviennent le motif d'une abstraction identitaire.

Issue du sensible, la peinture de LiFang entretient un dialogue permanent entre la photographie et la peinture, rendant au médium pictural le devoir de mémoire du médium photographique, comme une forme d'hommage à celle-ci, jusqu'au sentiment d'une nostalgie retrouvée, réflexive et introspective… une expérience cathartique. Le sensible devient sensé par l’entremise du filtre numérique. Paradoxalement, la peinture de Lifang doit en passer par l'abandon de l'indice pour rendre compte du réel et, par ce biais, conférer à la peinture les qualités premières de la photographie.

Chaque série des tableaux de LiFang célèbre la couleur, la simplification radicale du trait à son profit. L’effet « ronde-bosse » rendu par des halos colorés autour des figures, comme des éléments du paysage, souvent d'un rose ou d'un jaune très identifiables, contribuent à l’émanation d'une lumière irradiante.  Le motif se veut alors un effet auratique ; comme si chaque œuvre était rétro-éclairée. Dans toutes les séries : -Les Passants, Les Paysages, Les Piscines, Les Plages ou Les Pelouses…- ce halo si pertinent, qui fait la jonction entre le vide et les volumes, dépassant tout formalisme,  se révèle édifiant car porteur de sens poétique. Par ce moyen, les couleurs figent le mouvement et dynamisent la composition, la transpercent de mille latitudes où le point de fuite importe peu.

La peinture de LiFang dissèque la figure comme le paysage, invariablement, au point de jouxter l'abstraction. Dans la récente série : L'Âme de fond, LiFang exploite la couleur jusqu'à attribuer au paysage un caractère abstractisant. Osciller entre figuration et abstraction est une preuve de liberté inaliénable.

Des spécificités, l'œuvre peint de liFang n'en manque certes pas. Loin du formalisme annihilant tout espoir d'un hypothétique sauvetage de la raison, il nous hèle au détour d'une allée de salon d'art contemporain truffée de pièges séduisants, il nous interpelle depuis la les cimaises en vitrine d'une galerie pour nous révéler à nous-même. Puisqu’on est en face, puisque c’est en nous, puisque c’est de l’ordre de l'évidence, si difficile à contrer ; LiFang participe d'une réouverture des champs du possible en peinture.

Pour la publication du catalogue de l'exposition "Figur'Action" , 2020